Max Jacob (1876-1944) est un grand poète, l'une des figures les plus marquantes du XXe siècle. Sa production ne se borne pas à la poésie mais elle comprend aussi une oeuvre graphique et musicale ainsi que l'une des plus riches correspondances de son temps. Ses amitiés avec les peintres, avec Picasso en particulier qu'il rencontre en 1901, et ses liens privilégiés avec Apollinaire, Salmon ou Reverdy le placent au coeur des débats esthétiques de l'Esprit nouveau et à l'origine de la poésie moderne. Sa vie et les nombreuses légendes qui lui sont attribuées ou qu'il s'attribue lui-même le mêle à l'effervescence des avant-gardes picturales et littéraires parisiennes à Montmartre ou à Montparnasse.
Éclaireur d'une relation profonde dans l'écriture du siècle rénovateur des qualités plastiques et musicales du poème en prose dont il va jusqu'à revendiquer la paternité, son oeuvre est faite de contrastes : sa poésie est traversée d'élans religieux et mystiques mais roule aussi vers le cocasse porté au coeur de l'interrogation sur le sujet. Toute son oeuvre montre les jeux multiples autour de la notion du personnage, ses éclats kaléidoscopiques, ses masques incessants, les attentes et les désillusions qu'elle engendre. Ses conceptions esthétiques (concepts de « style », de « marge » ou de « situation ») ramassées dans son livre phare Le Cornet à dés (1917) ont fortement marquées les jeunes générations venues à lui comme le représentant des avant-gardes au rang desquels : Aragon, Malraux, Breton, Eluard, Reverdy... ou encore René Guy Cadou, Marcel Béalu, Edmond Jabès, Michel Leiris... qui le prennent comme chef d'école. À leur intention, il développe une esthétique basée sur la recherche et l'approfondissement de la vie intérieure fortement inspirée par les enjeux spirituels d'une vie tournée vers la prière. Usant du calembour, de l'ironie, de jeux de mots ou se repliant quelque fois dans le même temps dans l'humilité et le silence, son oeuvre oscille entre l'angoisse d'un croyant tourmenté, une impuissance à être et des élans de plénitude tournée vers l'incantation au Dieu Sauveur.
Max Jacob a été bouleversé par une apparition miraculeuse en septembre 1909 et s'est retiré à Saint-Benoît-sur-Loire (Loiret) de 1921 à 1928 puis de 1936 à 1944 afin qu'une existence nouvelle refonde les enjeux spirituels initiés par sa conversion au catholicisme (18 février 1915). C'est dans ce village ligérien qu'il sera arrêté le 24 février 1944 par la police allemande. Une requête de Cocteau en faveur de la libération du poète sera remise immédiatement à un conseiller juridique de l'ambassade d'Allemagne, faussement identifié comme le chef des prisons juives. Début d'une procédure de libération hypothétique, Max Jacob est décédé sans jamais avoir été libéré. D'abord enterré en fosse commune à Ivry, il repose, depuis le 5 mars 1949 « dans la paix du soir des plaines fertiles de l'orléanais » à Saint-Benoît-sur-Loire.
Dès 1940, la législation antisémite bouleverse sa vie : il subit toutes les mesures de persécutions menées par le régime de Vichy et l'occupant contre les Juifs. En juin 1940, la Gestapo traque le « cicérone juif » de la basilique ; en octobre, il est recensé : sa carte de la Légion d'honneur porte, à sa demande, le tampon « JuiF ». En 1941, « Monsieur Max » est interdit de publication : il est spolié de ses droits d'auteur. En 1942, il porte l'étoile jaune. Pendant l'occupation, il assiste impuissant aux malheurs des siens : « aryanisation » des biens, arrestations, déportations. Lui qui se pensait, à tort, protégé est arrêté chez lui. Conduit à la prison d'Orléans, transféré le 28 février à Drancy, il meurt d'une congestion pulmonaire le 5 mars 1944. Dès son arrestation, suite à ses instructions ou spontanément, ses voisins et amis donneront l'alarme.
L'association des amis de Max Jacob a été créée dans l'émotion du retour de sa dépouille. Elle commémore sa mémoire et oeuvre pour que son oeuvre appréciée aujourd'hui, comme hier, en France et à l'étranger, soit mieux et plus largement connue.
En 1960, Max Jacob a été élevé, à titre civil, au rang de « poète mort pour la France ».
Patricia SUSTRAC
Présidente AMJ